Un resto d’avant-spectacle c’est toujours un challenge, surtout quand on n’est pas chez soi; c’est mon cas, je suis expatrié à Paris pour le week-end, mais on m’a rencardé une adresse, La Rallonge, dans le 18ème arrondissement.
La Rallonge ? C’est l’extension bistronomique de La Table d’Eugène, juste un peu plus haut dans la même rue, où officie depuis déjà un paquet d’années le chef Geoffroy Maillard, bien connu des guides, jaune ou rouge.
Du côté bistro, celui-ci a choisi de garder le meilleur, le côté convivial et accueillant. Pour preuve, on arrive avant l’ouverture, et nous voyant patienter sur le trottoir, le staff nous ouvre illico. « Installez-vous, on est à vous tout de suite, on termine de manger ». C’est accueillant, c’est spontané, déjà, ça part bien.
Cadre pur néo-bistro, ardoise au mur, trancheuses et vieilles balances sur les étagères, le lieu est habité par une équipe de 4 jeunes gens dont la suite nous montrera qu’ils en veulent, qu’ils sont passionnés et sans chichis.
Et dans l’assiette ? On est partis sur un petit menu comme seul Paris sait les faire. Un peu de tout pour moins de 40 EUR par couvert, dont on retient quelques temps forts. Des coquillettes façon risotto, cèpes et truffes. Luxueusement simple et régressif. Saint-Jacques lardées, topinambour, jus de volaille. Bestioles parfaitement cuites et bien relevées par le petit jus, très bon. Pluma de cochon, mesclun, jus truffé. Presque (presque) le meilleur morceau de cochon de toute ma vie, ni plus ni moins. Servi rosé et parfaitement juteux, du goût dans la fibre et du pep’s dans la sauce, tout ce qu’on aime. Ravioles de canard, lentilles, jus de volaille, vin jaune. Du terroir-like, revu et corrigé mais pas dénaturé. Pour les portions, on est entre le tapas et le plat principal, sauf grosse fringale, pris à la carte, deux services feront parfaitement l’affaire.
Et puis une belle petite sélection de vins nature, comme cette cuvée Rue de La Peste. « Moi j’appelle ça du vin-pâté, tellement c’est brut de décoffrage » nous lance la jeune femme qui nous l’a proposé. Surprenant, mais quand c’est de telle façon, on en redemande.
En bref, une adresse où l’on se sent aussi bien que l’on mange, et dont on ferait volontiers sa cantine occasionnelle si on habitait le coin de la rue.
Comme sans doute, ce sémillant retraité, arrivé en plein coup de feu la fleur au fusil.
– Ho bonjour M’sieur Raymond ! Vous êtes le bienvenu pour passer la soirée avec nous mais faudra vous asseoir au fond.
– Ah non. Je m’installe au comptoir et puis c’est tout.
– D’accord. Installez-vous m’sieur Raymond, on va s’arranger.
Avant de déguster son repas en lisant son journal, comme s’il était dans son salon.
Il a l’air un peu ronchon, M’sieur Raymond, mais il a tout compris.
Et La Rallonge aussi.