Emma a un palais patiemment éduqué, une passion pour le goût et un rêve : devenir inspectrice pour le Michelin. Emma existe, en vrai. Elle s’appelle Emmanuelle Maisonneuve et elle a vraiment été l’une des premières femmes à intégrer le guide.
De cette expérience, elle a fait un roman graphique, Le goût d’Emma, illustré dans le style manga par la dessinatrice japonaise, Kan Takahama.
Le résultat est autrement plus passionnant que 200 pages sur la dégustation des quenelles. D’abord parce qu’Emma dévoile les coulisses du guide gastronomique le plus (sur)coté au monde : comment on postule, l’examen d’entrée autour d’un menu, l’apprentissage sur le terrain, la très légère (huhuhu) misogynie qui règne dans ce milieu ultra masculin, le bizutage dans les régions les moins chouettes à couvrir, les maux d’estomac après le troisième gratin dauphinois.
Un métier qui n’a finalement de glamour que le nom et qui s’apparente à d’éreintants et solitaires marathons d’établissements agréables en gargotes très moyennes, avec parfois un feu d’artifice qui lui rappelle ce qu’elle fait là.
Chaque visite illustrée est aussi une petite leçon de décorticage d’assiettes, de classement de goûts, de topologie des ingrédients.
Ses doutes, enfin, sur le sens de ce métier qui peut faire et défaire des humains, propulser des vies et démolir des entreprises. Particulièrement interpellant à l’heure où chacun.e est guide gastronomique, sur ce site, sur des blogs, sur Tripadvisor, Yelp ou je sais pas quoi d’autre, la petite note en guise de couperet, le commentaire en dague empoisonnée.
Attention, la description de son voyage initiatique au Japon donne fort fort envie de faire sa valise et de finir dans sa vie dans un bol de ramen.
Le goût d’Emma de Emmanuelle Maisonneuve, Julia Pavlowitch et Kan Takahama, aux éditions Les Arènes.