Si la crise du coronavirus signifie pour certain l’arrêt des activités, le cerveau du chef doublement étoilé Christophe Hardiquest est, lui, en pleine ébullition. Son objectif: construire le resto de demain, basé sur le circuit court et les producteurs locaux.
On veut un retour aux choses simples. De ce constat, le chef de Bon Bon en déduit le besoin de respecter le bon sens paysan et la planète. Il faut faire évoluer le modèle. La cuisine étoilée va changer, c’est certain. Et cette crise va remettre beaucoup de choses en question.
Et si ce changement de mentalité passait aussi par un changement dans le système d’éducation ? C’est l’une des pistes qu’il évoque. Adepte des ateliers proposés aux élèves des classes de ses enfants, à qui il a dernièrement appris à faire un pesto à l’ail des ours (c’est de saison), il estime que son rôle est également pédagogique, d’autant plus avec la crise actuelle. Tout part de l’éducation. Il faudrait imaginer des cours d’introduction à l’achat responsable. Dans l’acte d’achat, on vote tous les jours, martèle-t-il.
Christophe Hardiquest est un chef qui pousse la logique du locavorisme depuis quelques années à son paroxysme. La crise du coronavirus le booste à aller encore plus loin. Il appelle purement et simplement à l’autonomie des pays. Il opte d’ailleurs déjà pour des aliments provenant d’un rayon de maximum 200 kilomètres, exceptés les produits de la mer qui viennent de la côte d’Opale, comme les huitres ou certains poissons. Cuisine avec ce que tu as en face de toi. Le produit ne sera jamais meilleur ou plus beau que dans sa région et à sa saison.
Des mots qu’il emprunte en substance au Livre blanc de la gastronomie responsable, de Camille Labro, journaliste pour Le Monde; un ouvrage qu’il encense et qu’il prend pour modèle pour sa future vision du restaurant. Son maître-à-penser du momen, en quelque sorte.
Le changement doit aussi s’opérer du côté des grandes surfaces, selon lui. On n’est pas obligé d’avoir 400 produits disponibles toute l’année. Il faut réapprendre à donner de la valeur à des produits aussi simples que le foie de volaille, à préparer des plats mijotés, à cuisiner une queue de boeuf, etc.
La crise actuelle est un signal d’alarme qui doit pousser à modifier nos modes de consommation et à nous remettre en question. Le double étoilé pointe particulièrement les produits provenant de l’autre côté du globe pour satisfaire les caprices consuméristes des clients. Il ne faut plus s’étonner qu’on pollue deux fois plus en important d’Australie ou du Japon. L’idéal du toqué d’origine liégeoise, c’est une gastronomie belge qui ne se sert que de produits du pays, néerlandais et tout au plus du Nord de la France.
Depuis le début des mesures de confinement, Christophe Hardiquest passe entre quatre et six heures par jour dans sa cuisine pour faire des essais et préparer l’après-crise avec de nouvelles recettes basées, évidemment, sur des produits locaux.
Quand il n’est pas occupé à préparer le restaurant de demain, il récupère quatre fois par semaine les invendus chez Rob pour les transformer en 80 repas pour le personnel soignant de quatre hôpitaux bruxellois. Un céléri rémoulade revisité composait son dernier menu. On ne fait pas de miracle mais c’est goûteux et sain.
Il va falloir faire revenir les clients dans nos restaurants avec un message, une nouvelle vision. Certains attendent juste de pouvoir rallumer le bouton on/off mais ils font fausse route. Ca c’est dit, affirmé et plus qu’assumé !
NDLR: au moment de mettre cet article en ligne (22/4) , nous apprenions que Christophe Hardiquest refusait de signer une lettre ouverte au gouvernement, promue par un train de plus par près de trente chefs étoilés et demandant entre autres la reconnaissance du statut de « catastrophe naturelle » au secteur Horeca. En ligne avait ce que le chef de Bon Bon nous disait dans notre interview, il déclarait ce jour au Vif « Ce n’est pas le moment de se plaindre ».
Photos: Luc Viatour