Confiné à n’en plus finir, votre serviteur cuisinait sans relâche et tentait ce faisant de varier les plaisirs. Non, il ne s’agit pas des premières lignes d’une fable oubliée de La Fontaine, mais bien de ma dernière découverte en matière de bidoche.
C’est ainsi que la semaine dernière, j’ai eu envie de quelque chose que je ne prépare jamais, une bonne pièce de bœuf: gourmandise généralement dégustée à l’extérieur, c’est une tradition familiale et ancestrale à laquelle je fus initié durant les grandes heures du Mozart et de Chez Abel, et perpétuée ces dernières années chez Colonel ou à la Friture René. On le sait, la viande – surtout de bœuf – d’un point de vue écologique c’est pas Byzance, et comme Bruxelles ne manque pas d’adresses carnivores de qualité, autant donc réserver ce plaisir coupable à l’occasion d’une sortie resto.
Mais en ce moment, point de restaurant possible et déjà bientôt deux mois depuis mon dernier steak, je passe donc m’enquérir d’une belle entrecôte chez Dierendonck. Et que vois-je dans l’étal, me tendant les fibres ? Un morceau de la bête qu’il faut généralement commander, et dont je ne connais que la réputation: assez rare – à peine un kilo sur une bête entière – et surtout pas ultra-présentable, ce qui fait qu’à l’instar d’autres pièces de choix, il fut longtemps snobé par le consommateur, malgré un goût et une texture autrement plus intéressants qu’un filet pur: j’ai nommé l’Araignée, baptisée ainsi car elle comprend 4 tendons que le boucher tranche en deux, ce qui est censé rappeler les 8 pattes de la bestiole. Bon ça ne m’a pas sauté aux yeux, j’ai plus eu l’impression d’être face à une bavette avec quelques belles nervures de gras en plus et tant mieux, car le gras, non seulement c’est la vie, mais comme vous le savez en matière carnée c’est aussi la clé du goût.
Rentré chez moi je l’ai préparée très simplement: sortie du frigo 30 minutes à l’avance, salée et poivrée, juste grillée à la poêle très chaude et reposée quelques minutes au four (éteint ou à 50-60° max’). Car oui, le repos avant et après cuisson des viandes rouges c’est le genre de détail facile qui fait une vraie différence.
La bête fut servie avec des grenailles au four et une petite salade de blé, ainsi qu’une sauce poivre-vert-crème finalement superfétatoire. A refaire j’y adjoindrais plutôt une tranche de beurre à l’ail, voire un chimichurri qui rendrait probablement mieux grâce à ce morceau de gourmet: très tendre mais de belle tenue et un goût plein de caractère sans être trop prononcé. Sachant en plus qu’au poids on est dans la même gamme de prix que l’entrecôte, et carrément en dessous du tournedos ou du chateaubriand, peut-on vraiment en demander plus à ce méritant morceau (hormis un nom un peu plus sexy, je vous l’accorde) ? En tout cas, me voilà conquis et content de cette surprise du jour, comme quoi ce confinement peut avoir du bien bon.
Et vous, ça vous goûterait ?