C’est un quartier un peu mort, le long de l’avenue Louise – le genre de quartier qu’on aime, parce qu’il n’y a pas besoin de jouer des coudes ou claquer quinze bises avant de pouvoir accéder au graal. Celui du jour est le comptoir d’Edgar’s Flavors, un nouveau bar à cocktails qui joue le grand écart thématique entre la référence à Edgar Allan Poe et une prédilection évidente pour les breuvages favoris du consul cher à Malcolm Lowry : mezcal ou téquila.
Derrière une vaste vitrine en léger surplomb par rapport à la rue de la Concorde, une dizaine de petites tables accompagnent un impressionnant bar carré dans un décor qui mélange papier-peint vert océan, reflets cuivrés, motifs de forêt vierge et photographies vintage. C’est tape-à-l’œil et tongue-in-cheek juste comme il faut – c’est-à-dire pour donner envie de monter sur un tabouret (dans un bar à cocktails, on laisse les sièges aux losers), de feuilleter le menu gentiment baroque et de picorer deux ou trois drinks au hasard des envies. Une fois n’est pas coutume à Bruxelles, la priorité est donnée aux classiques, revus et corrigés avec finesse – les créations servant à titiller ceux que la grâce intemporelle des drinks du canon effraieraient. La belle taulière, Tania Shamshur, les envoie avec respect et précision, ne laissant traîner ses oreilles que pour désennuyer le buveur solitaire ayant soif d’une phrase en plus de son drink. On l’a jouée placée, ce soir-là : un « Hemingway Daiquiri » (rhum, marasquin, pamplemousse, citron vert, 12 euros) dans les règles de l’art, une « Frida’s Margarita » (tequila, mezcal, citron vert, agave, piment, 13 euros) acidulée et gourmande, un « Oaxacan Aperitivo » (mezcal, Fernet-Branca, vermouth sec, Aperol, 12 euros) façon Negroni étrangement fruité. Le tout s’accompagne volontiers de petits snacks lèche-doigts, à l’instar d’un guacamole des familles (8 euros). Une critique ? On ne voit pas l’utilité des spots en vitrine, qui enlèvent au mystère du lieu. Sinon, on reviendra.