Stefan Jacobs, un chef dont j’aime la cuisine depuis longtemps a finalement jeté l’ancre dans une ferme un peu navire. Ici, il compte bien s’enraciner dans le terroir, et si les murs et alentours étaient encore un peu « en construction » lors de ma visite en novembre dernier, l’assiette était déjà au carré.
La salle est belle, la cuisine ouverte et le mobilier est superbe de sobriété chaleureuse. Plus tard on verra qu’une attention importante aura été donnée à la vaisselle et aux couverts.
On a l’habitude, chez les jeunes chefs, c’est menu. Ici, 4/5 ou 6 services (55, 65 ou 85 €) ; alors, va pour le 5, car 6 c’est beaucoup, le chef est généreux, on le sait déjà.
Parce qu’on l’a déjà souvent interviewé, on sait que Stefan est viscéralement locavore et artisan jusquauboutiste. Parmi mille choses à haute densité, il a construit de ses mains un four à pain. C’est presque dommage (mais salutaire pour préserver l’appétit) de devoir attendre la fin des mises en bouche pour se beurrer une tartine de l’excellent pain au levain maison.
Justement, les mises en bouche, elles osent la saucisse, ou plutôt le cervelas, la tête pressée et un boudin noir lové sous une couette onctueuse à l’oignon qui se torche gentiment à la cuiller.
Chouette, on oublie ici les feuilles de shizo et autres gadgets que l’on croise trop souvent au profit de préparations travaillées avec du sens et du goût. Un biscuit de pied de cochon posé sur un pavé de lieu jaune, un « brick » délicieusement farci de haché de biche pour accompagner la gigue, sans oublier un vrai sel DE céleri donnant du relief à une belle assiette uniquement végétale. Travaillé, fin, rustique, il y a ici du paradoxe et de la gourmandise.
Côté pinard, Alessia, la sommelière qui officiait déjà cet été avec Stefan au restaurant éphémère Marie, nous conseille avec justesse un superbe riesling allemand « trocken » de Jakob Kühn (60€) Ensuite, on se régalera d’un excellent poulsard jurassien, rustique et fin, comme la cuisine de Stefan.
On aimait déjà Stefan Jacobs, le voilà dans un lieu qui lui va juste bien. On sait que l’homme se pose sans cesse la question du sens du métier de cuisinier, du sens de ce qu’il est bon de manger en fonction du lieu et du moment. Ici, ce pari là est déjà gagné car il ya du sens et l’assiette réjouit. On sent ici le début d’une belle aventure et on se dit qu’on est peut-être au début de très grandes choses.