On a parfois tendance à l’oublier, à l’heure d’Internet et des sites qui recensent plus de recettes qu’on ne pourra en élaborer dans toute une vie, mais fut un temps pas si lointain où la transmission de secrets de cuisine était une tradition autant orale qu’écrite, mais d’abord et avant tout familiale.
C’est ainsi qu’à la faveur d’une expatriation de l’Île-de-France vers notre plat pays, ma chérie G. m’a partagé le carnet de Josette, sa grand-mère maternelle qu’elle n’a jamais connu puisque décédée bien trop tôt, soit 13 ans avant sa naissance. Et pourtant, petit miracle du temps, sa Mamie lui parle à travers ce joli bout de patrimoine, récupéré dans le grenier familial et qui poursuit désormais sa vie sur le plan de travail d’un bel-étage wallon, au gré des annotations et nouvelles recettes qui continuent à l’enrichir.
Ainsi, dans cet « Agenda de bureau pour 1940 », initialement reconverti en recueil de recettes de savon – certes plus original mais nettement moins pertinent pour Ça Nous Goûte – on trouve une foule de pâtisseries, détaillées à la suite de quelques plats salés de la France d’avant: Perdrix aux choux, Roulé de Gras Double ou encore Gâteau de Foie. Au fil des pages jaunies par le temps, on découvre également la recette de « Gâteaux belges pour le thé », dont à vrai dire on ignore la composante belge mais peu importe, l’essentiel étant que Josette, en fine gourmette, reconnaissait déjà l’excellence de nos biscuits belgicains (et dans tes dents Lotus !)
Au delà du patrimoine culinaire, c’est aussi des incursions dans le quotidien d’un autre temps, comme lorsqu’on découvre cette inscription griffonnée sur une page blanche: « Dans la nuit départ précipité au son des canons pour St-Bauzile ». Probable indice de l’avancée des Allemands vers Lyon lors de la seconde guerre mondiale, mais dont Pépé Jo, qui fut le grand amour de Josette, n’a hélas – ou heureusement – aucun souvenir. Ou encore ce calendrier, rempli de noms de saints aujourd’hui presque inconnus: Crépin, Mesmin ou Léocadie, autant d’inspirations possibles pour un prénom original à donner au petit dernier (évidemment conçu lors du 1er confinement).
C’est en tout cas un trésor familial rare et précieux, de ceux que l’on vous souhaite aussi de retrouver un jour coincé derrière une bibliothèque ou planqué au fond d’une malle. Je n’aurai malheureusement jamais le plaisir de partager une tasse de thé avec l’aïeule de celle que j’aime. Mais à défaut et grâce à elles, j’ai pu me représenter cette brave dame en train de noter méticuleusement ses recettes préférées sur un coin de table pour les transmettre à ses enfants. Et accessoirement, accompagner mon café dominical d’un délicieux pain d’épices, au bon goût d’antan et rempli d’amour.
Merci ma G., et merci Mamie Josette !