La France était en deuil la semaine dernière après le départ de Valéry Giscard d’Estaing. Outre l’empreinte politique teintée de modernité laissée par VGE, ces initiales rappellent aussi le fameux consommé aux truffes imaginé en 1975 par Paul Bocuse pour la remise de sa Légion d’honneur à l’Elysée.
« Je n’ai pas vraiment créé la soupe VGE. Personne ne peut dire qu’il est à l’origine d’un plat en cuisine. La véritable histoire de cette soupe qui a fait le tour du monde c’est une rencontre entre des hommes et des ingrédients« , estimait toutefois humblement le grand Paul, citant notamment les influences du chef alsacien Paul Haeberlin, des producteurs de truffes de Basse-Ardèche, des paysans qui y cuisinaient la soupe de légumes agrémentés de morceaux de truffes, ou encore de l’aide de son chef Roger Jaloux.
Le jour de la remise de sa Légion d’honneur, Paul Bocuse avait une exigence: inviter ses amis à la table présidentielle, à savoir douze chefs dont Jean Troisgros, Michel Guérard, Roger Vergé, Paul et Jean-Pierre Haeberlin ainsi que Marcel Le Servit, chef-cuisinier de l’Elysée, dans le but, toujours, de « faire sortir les cuisiniers de leur cuisine« .
En épinglant les insignes de chevalier au la veste immaculée du chef, le président s’exprime: « au fond, la nouvelle cuisine française adopte la théorie que je cherche à appliquer en politique: le changement dans la continuité. »
Au président qui se demande comment s’y prendre pour déguster sa soupe aux truffes présentée dans une petite soupière dont la croûte qui la recouvre est parfaitement scellée, Paul Bocuse répond sans hésiter: « Cassez la croûte monsieur le président! » Or, sous la feuilletage protecteur (toutes les bonnes astuces pour un feuilletage parfait dans le livre de Karen Torosyan), le bouillon continue à bouillir. « Quand on brisait la croûte, le parfum des truffes venait chatouiller vos narines« , détaille d’ailleurs Monsieur Giscard lui-même dans la préface du « Feu sacré« , qualifiant Bocuse de l’un des maîtres de l’art culinaire; « un homme de tradition et d’invention« .
Le petit bouillon de volaille aux copeaux de truffe fait mouche, et dès le lendemain de la cérémonie, la VGE est mise à la carte de l’établissement de Collonges-au-Mont-d’Or, devenant ainsi l’un des incontournables du restaurant. A coups de foie gras, de truffes, de consommé double de boeuf, de paleron de boeuf et de Noilly Prat (vermouth français), la soupe Elysée a encore de beaux jours devant elle malgré les disparitions de son créateur et celui qui l’a inspiré.